Faut-il
construire le nouvel hôpital au Bréau ?
1er février 2006
Le CDAS d’AVON s’est toujours prononcé en faveur de la
protection du massif forestier de Fontainebleau. Cette attitude est
justifiée par la valeur inestimable qu’il représente. Notre devoir pour les
générations futures est de le préserver, pour le bonheur et la santé des
habitants de notre ville et ceux de ses visiteurs, pour la sauvegarde d’un
espace naturel exceptionnel et de la qualité de l’environnement dans sa
globalité. Du temps de Sadi Carnot on ne parlait pas encore d’écologie ni de
développement durable. Pourtant le décret de 1891, toujours en vigueur, que
nous invoquons dans notre recours auprès du Tribunal Administratif pour que les
terrains militaires soient restitués à la forêt comme son texte le prévoit,
prouve que ces considérations environnementalistes étaient déjà, et mieux
encore qu’aujourd’hui, prises en compte à cette époque pourtant lointaine.
Il y a toujours de bonne raisons pour le grignotage des
lisières et des sous-bois, petit morceau après petit morceau. A chaque fois ces
agressions peuvent sembler anodines et tolérables, mais le problème est que
chacune de ces fois là s’ajoute aux précédentes, que les effets destructeurs
s’accumulent. Et au total la dégradation est continuelle et bien réelle. Au
cours des vingt dernières années il y a eu l’élargissement à quatre voies des
route nationales, l’extension de l’INSEAD et d’autres projets qui eux, fort
heureusement, n’ont pas abouti, grâce à la résistance des associations dont le
CDAS d’AVON. Avant il y avait eu l’EIS, les archives, les collèges, le stade de
la Faisanderie…et plus grave encore l’autoroute A6. Beaucoup de ces
réalisations ne sont pas contestables sur le plan de leur utilité. Mais le
choix de leur emplacement conduit à une dégradation grave et irréversible du
massif forestier, c’est également incontestable.
Il est temps d’interrompre ce
processus. Il est irresponsable et rétrograde aujourd’hui de supprimer des
réglementations en faveur de la protection de la forêt, fussent-elles plus que
centenaires. La longévité d’un texte n’autorise pas à le négliger. Bien au
contraire elle démontre que son utilité a été reconnue par des générations
successives. C’est la preuve de sa valeur. Et le recours de notre association
était finalement bien fondé : les terrains du Bréau viennent d’être
restitués, comme le décret Carnot l’exige, au ministère de l’agriculture. C’est
une première victoire des associations contre ceux qui avaient cru pouvoir
« oublier » ou traiter par le mépris ce décret de 1891
environnementaliste avant l’heure.
Mais la bataille n’est pas
gagnée. Certaines femmes ou certains hommes politiques ne sont pas à une
gesticulation près. Pour contourner le fameux décret ils s’apprêtent à céder de
nouveau ces terrains à l’armée, qui pourtant n’en a plus l’usage, et cette fois
sans obligation de restitution à la forêt. Pour quoi faire alors? Tout
simplement pour les revendre à la Communauté de Communes. L’enjeu est de
taille et mérite de telles acrobaties : d’un côté on récupère des terrains
forestiers, donc bon marché, pour un hôpital sans doute mais peut-être aussi
une déchetterie, de l’autre on libère un espace en pleine ville, celui que les
installations hospitalières occupent actuellement, pour d’autres projets encore
non dévoilés. Tout cela est-il bien légal ? la suite des événements nous
le dira mais le principe et la méthode nous paraissent bien critiquables. En
particulier, pourquoi les défenseurs du projet ne demandent-ils pas directement
la cession des dits terrains au ministère de la santé, s’il n’est question que
de l’hôpital ? Au moins ce choix éviterait-il à la Communauté de Communes
de supporter la charge de leur rachat. Mais le Ministère de la Défense, qui
s’efforce de rendre la transaction possible, se priverait alors d’une recette
bien méritée, prise sur le dos des contribuables de l’agglomération. Mais la
Communauté de Communes ne pourrait pas alors y construire d’autres programmes,
en supposant que l’hôpital est l’arbre qui cache la forêt…
Soyons clairs : le CDAS
d’AVON est tout à fait favorable à la modernisation des équipements médicaux. Mais
il ne veut pas que leur construction se fasse une fois encore au détriment de
la forêt, sous prétexte que ce serait une soi-disant solution de facilité ou
celle permettant de bonnes affaires immobilières.
Des alternatives existent : la rénovation des
bâtiments actuels, l’extension sur les terrains des casernes Damesme et Chataux
elles-aussi libérées par l’armée, dans le même périmètre. Il est étonnant
qu’aucune raison d’écarter ces choix, qu’aucune étude comparative des coûts,
des délais, de la qualité des aménagements et de leur impact ne soit fournie
pour tenter de justifier une agression de plus contre notre patrimoine le plus
précieux.
Dans ce patrimoine menacé il faut comprendre la forêt de
Fontainebleau d’abord, parce qu’elle serait la première à payer les pots cassés
en cédant une partie de son territoire, mais il faut aussi inclure le château.
Les terrains du Bréau jouxtent ceux du parc et longent le canal. A quelles nuisances
visuelles ou sonores les jardins du palais, qui ont été conçus dès leur origine
pour être paisiblement ouverts vers la forêt, comme le démontrent si
magistralement les récents aménagements de l’allée Maintenon en direction du
mail Henri IV, seront-ils exposés dans le cadre d’une urbanisation, hôpital
compris, de cette zone du Sud de la ville ? Quelles surfaces seront
construites ? La hauteur des bâtiments et leur emprise au sol
atteindra-t-elle les excès que le Plan d’Occupation des Sols autorise ? Quel
accroissement du trafic faut-il prévoir, en particulier sur la route des
Cascades qui traverse le parc du palais ? Nos associations, pourtant
agréées pour l’environnement, n’ont, à cette date, reçu aucune information sur
ces questions fondamentales.
Il faudrait donc être
« pour » un projet sans pouvoir en mesurer les conséquences, aliéner
les droits de la forêt et compromettre la sérénité du parc du château de
Fontainebleau sans chercher à comprendre ni pourquoi, ni comment, et surtout ne
pas étudier les solutions alternatives. Tout cela reste bien opaque. Autrement
dit on nous demande de signer un chèque en blanc, même s’il est prévisible que
le prix à payer sera considérable. Ceux qui se prononcent aujourd’hui en faveur
de l’implantation de l’hôpital au Bréau font preuve d’une étonnante légèreté ou
bien servent des intérêts dont nous souhaiterions connaître la nature et les
bénéficiaires.
Le CDAS d’AVON demande qu’une
information sur ce projet, détaillée et non polémique, soit fournie aux
habitants et aux associations afin que chacun puisse prendre position en toute
connaissance de cause.
Si, en dernier recours, il
fallait retenir le site du Bréau, parce qu’il serait démontré que ce choix
s’impose en toute logique, le CDAS demande que des terrains de surface analogue
et à proximité de l’agglomération soient donnés en compensation à la forêt
domaniale. En particulier il suggère l’étude de la reconstruction des
installations sportives de la Faisanderie sur l’emplacement de l’hôpital, de la
caserne Damesme et éventuellement de l’EIS, et que la surface qu’elles occupent
actuellement soit restituée à la forêt et replantée. Il écarte d’office toute
solution qui consisterait à rendre au massif forestier des terrains inclus dans
son périmètre actuel et qui appartiennent déjà et de fait à son espace naturel
comme cela est envisagé.
Philippe Thomas-Derevoge
Président du CDAS d’AVON